mercredi 31 août 2011

Le Syndrome du Titanic



Le titre était déjà celui d'un livre de Nicolas Hulot paru en 2004, qui rappelait l'attitude des passagers du célèbre paquebot dansant et festoyant sans réaliser l'imminente percussion fatale contre un iceberg qui déclenchera leur naufrage. "Le scepticisme que j'observe chez certains à l'égard du changement climatique revient à naviguer avec un bandeau sur les yeux par temps de brouillard, à fond les manettes dans une mer parsemée d'icebergs" ajoute aujourd'hui le photo-reporter, producteur d'Ushuaïa, créateur d'une Fondation pour la Nature et l'Homme, et initiateur en 2006 d'un Pacte écologique proposé aux candidats à l'élection présidentielle. Il co-signe ce film avec Jean-Albert Lièvre, documentariste engagé dans le même combat, qui signa Citoyens de la terre, film d'ouverture de la Conférence de Paris pour une gouvernance écologique mondiale.

C'est cet aspect institutionnel, un ton évoquant parfois les récréations géographiques jadis projetées salle Pleyel, avec ses citations en inserts de Théodore Monod , d'Al Gore, de Virilio, d'Hubert Reeves ou d'Oppenheimer exhortant l'homme à retrouver le sens commun, qui empêche Le Syndrome du Titanic d'être une œuvre cinématographique enthousiasmante en plus d'un plaidoyer pour la survie de la planète et de l'humanité. Et ceci en dépit d'un début prometteur, presque godardien (voix off de Martin Luther King : "I have a dream…"), d'un travail sonore mixant opéra de Mozart, Nina Simone, Le Poinçonneur des Lilas de Gainsbourg en japonais, chanteuse éthiopienne, sons d'ambiance.

Il s'agit à la fois d'un constat et d'une prière. L'appel à la raison d'un homme qui parle en son nom propre, oublie les fabuleuses images de nature et paradis terrestres qu'il montre à la télévision depuis vingt-deux ans pour dire sa peur, sa souffrance, son inquiétude devant échangeurs d'autoroutes, gratte-ciels, sites abîmés, bidonvilles, boat-people. Un monologue personnalisé adjurant ses compatriotes de changer, non d'allure mais de cap, et se terminant par un accompagnement musical liturgique (Parlez-moi d'amour), une strophe quasi biblique : "Je crois à la sobriété heureuse". Acte de foi en une communauté humaine à l'échelle planétaire.

L'essentiel reste le propos, incontestable. Ce que dépeint Hulot, c'est la dégénérescence d'une crise écologique en crise économique, climatique, alimentaire, la menace imminente d'une crise de l'humanité. La civilisation urbaine, l'addition des pénuries, les flux humains liés au commerce, l'emballement des transports, la globalisation de l'économie et de la culture, la surconsommation, les inégalités du partage des ressources, la surexploitation des matières premières, les coulisses des mégapoles, l'abondance des déchets et carcasses. Il condamne l'absurdité des modes de vie, s'interroge sur le sens du progrès, fustige "un système qui court à sa perte".

Ses solutions ? L'abandon du culte du "toujours plus", de l'obsession du quantitatif, de la création de besoins "là où il n'y en a pas", de l'idéologie de la possession pour exister, du capitalisme comme modèle économique dominant et qui devenu "le" problème. Il désigne l'excès comme toxique, prône une décroissance sélective, de la mesure comme règle d'or, des choix et des renoncements, l'exploration de la seule énergie inépuisable, l'énergie solaire. Assène des slogans : "On ne consomme pas, on consume", "Nous qui avons tout et que rien ne satisfait, alors que ceux qui ont peu se contentent de tout...". Convoque imaginaire, utopie, pour une "mutation radicale". Débouche sur un programme quasi religieux : "L'homme est grand sous la contrainte, immense dés qu'il est humble".

On ne peut que souhaiter qu'il y ait des milliers de convertis dans la salle, et que passant du credo aux actes, ils se convertissent, ainsi que nos gouvernants.

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